« Barbe a Rats » déplace Mirepoix à Cale-en-Bourg, le temps d’un jeu de mots visuel
05 août 2018 | Par Mathieu Dochtermann
La Compagnie À a mis au point une forme courte de théâtre d’objets délicieusement aboutie, sur la base d’une proposition toute simple : mettre en images la chanson Nantes de Barbara à grand renfort de calembours visuels. Barbe à Rats est un spectacle aussi délectable que court, qui allie vivacité, humour et intelligence. Une petite friandise au goût surréaliste, que l’on aurait aucune raison de se refuser ! Le public de MiMa ne l’a d’ailleurs pas boudée…
Tout ce spectacle est résumé dans son titre : Barbe à Rats, c’est une proposition de théâtre qui repose sur le calembour, en l’occurrence le calembour visuel puisqu’il s’agit de théâtre d’objets ; une proposition brève, puisqu’elle prend prétexte de la chanson Nantes de Barbara, et qu’elle ne dure guère plus longtemps.
Le résumé pourrait d’ailleurs s’arrêter là, tant il contient en germe ce qui fait la force de la proposition : la simplicité de l’idée, qui fait sa poésie, et son intention humoristique – même si le résultat va en réalité au-delà, du fait de la confrontation des paroles et de la voix de Barbara, à connotation dramatique, avec l’ironie du traitement visuel.
Pour autant, un travail est fait, en amont, pour accompagner cette proposition qui pourrait sinon se résumer à une parenthèse trop brève : un groom barbu, en livrée, un rat sur l’épaule, un immense A majuscule en pendentif, convie silencieusement le public dans la salle, pour qu’ils s’installe face à un cadre de scène… qui est en lui-même un jeu de mots visuel, dont on laisse la surprise au spectateur. Cette mise en condition est bienvenue, car elle installe l’univers du spectacle dès la porte franchie, en préparant l’expérience du public au-delà du seul temps de la représentation frontale.
Pour le reste, les deux interprètes de la Compagnie À, Sika Gblondoumé et Dorothée Saysombat, derrière leur table de manipulation couverte de sable, s’ingénient à reproduire ou à commenter les paroles de la chanson qui joue – apparemment – sur un tourne-disque, en utilisant une pléthore d’objets. L’une des forces de la proposition est d’exploiter ces derniers de toutes les manières possibles : parfois à la manière de rébus, parfois métaphoriquement, souvent métonymiquement, exceptionnellement figurativement – mais alors avec distance et ironie – leur manipulation demande une dextérité, une fluidité et un sens du rythme sans failles. Et les deux artistes sont au rendez-vous : sans aucune faute ni hésitation, avec un masque parfaitement neutre, elles réalisent une petite prouesse de précision.
L’inventivité débridée de ce gigantesque rébus visuel ne rivalise qu’avec son humour. C’est avec plaisir et entrain que l’on suit le ballet des signes proposés, que l’on s’accroche à chaque image comme à une petite énigme à résoudre, le cerveau constamment à l’affût du lien entre les paroles de la chanson et les objets qui se succèdent à grande vitesse sur le plateau. C’est un grand jeu collectif, où des rires émerveillés fusent toutes les dix secondes.
Une forme courte, certes, mais vive et pétillante, drôle et stimulante. On en ressort le sourire aux lèvres, les neurones en éveil, mais sans frustration malgré le laps de temps très bref sur lequel la pièce se déroule. Une très jolie gourmandise à s’offrir, en lever de rideau ou entre deux spectacles.
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